MÈRE
(toutes les Mères noires
dont les fils sont partis)
tu m’as appris à espèrer
comme toi aux heures difficiles
Mais la vie
a tué en moi cette espérance mystique
Je n’attends plus
je suis celui qu’on attend
Mère l’espérance
c’est moi c’est nous
tes fils
en route vers une foi qui nourrit la vie
Aujourd’hui
nous sommes les enfants nus des villages de brousse
les gamins sans école qui jouent au ballon de chiffon
sur la grève à midi
nous sommes les embauchés de force
qui doivent respecter l’homme blanc
et craindre le riche
nous sommes tes fils
des quartiers noirs
où n’arrive pas l’électricité
affamés
assoiffés
honteux de t’appeler Mère
craignant de traverser les rues
craignant les hommes
nous-mêmes nous
Demain
nous entonnerons des hymnes à la liberté
pour commémorer
le jour de l’abolition de cet esclavage
Tes fils Mère
(toutes les Mères noires
dont les fils sont partis)
sont en quête de lumière
en quête de la vie.
Poème de Dr. Antònio Agostinho Neto, angolais, premier Président de la République
Populaire d’Angola. Poème écrit en 1961 pendant son exil à Praia, Cap Vert.
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